Un dérèglement de nos horloges internes entraîne des troubles métaboliques et favorise l’obésité. Telle est la conclusion des travaux⁽¹⁾ menés récemment par l’équipe d’Étienne Challet de l’Institut des neurosciences cellulaires et intégratives⁽²⁾, en collaboration avec d’autres chercheurs strasbourgeois, niçois et tourangeaux⁽³⁾.

Les rythmes journaliers ou circadiens de veille/sommeil et de prise alimentaire/jeûne sont sous le contrôle d’une horloge moléculaire interne située dans le cerveau, dans l’hypothalamus (plus précisément dans les noyaux suprachiasmatiques). Cette horloge dite principale est remise à l’heure par la lumière ambiante perçue par la rétine. Plus récemment, des horloges moléculaires périphériques dites secondaires ont été découvertes régulant également l’ensemble des grandes fonctions de l’organisme sur 24h. Elles sont par exemple localisées dans d’autres parties du cerveau mais également dans des tissus comme le foie, le cœur, les tissus adipeux ou encore le pancréas. Ces horloges se synchronisent sur les repas. Les variations internes de ces horloges permettent à l’organisme d’anticiper et d’être préparé aux changements périodiques de l’environnement, et ainsi d’optimiser son fonctionnement.
L’équipe d’Étienne Challet s’intéresse aux facteurs qui peuvent altérer nos rythmes circadiens et les désynchroniser, et aux conséquences de ces dérèglements. En particulier, les chercheurs se concentrent sur l’interaction entre nutrition et rythmicité. En effet, « s’exposer à la lumière la nuit, prendre des repas copieux à des horaires inadaptés pour l’organisme sont à la fois des situations de désynchronisation et des facteurs de risques métaboliques. Ces arguments nous ont conduits à proposer le concept de chronobésité, c’est-à-dire une surcharge lipidique causée par une désorganisation circadienne », explique Étienne Challet.

Dérèglements de l'horloge interne et troubles du métabolisme

De nombreux travaux de recherche ont contribué à mieux comprendre les mécanismes moléculaires qui sous-tendent les oscillations circadiennes. Plusieurs gènes circadiens ont été identifiés dans l’horloge principale par exemple. L’équipe strasbourgeoise s’est penchée plus particulièrement sur le rôle du gène Rev-Erb-alpha, un des acteurs des oscillations moléculaires circadiennes. « De manière remarquable, des souris mutantes dont le gène Rev-Erb-alpha a été invalidé deviennent obèses et hyperglycémiques, même si elles mangent la même quantité de nourriture, au même moment de la journée et avec la même activité physique que des souris témoins », souligne Étienne Challet. La différence majeure réside dans la manière dont les souris mutantes métabolisent les nutriments. En effet, ces souris deviennent obèses car elles synthétisent beaucoup plus de lipides pendant la phase d’alimentation et utilisent moins de glucides pendant la phase de repos, que des souris témoins.
Les résultats de cette étude menée au sein du Chronobiotron⁽⁴⁾ de Strasbourg viennent conforter la notion de chronobésité en révélant qu’un des gènes de l’horloge circadienne principale a également un rôle métabolique et est responsable de l’utilisation adéquate des substrats énergétiques au bon moment de la journée. « Autrement dit, un dérèglement de l’horloge interne peut conduire à un dérèglement métabolique et à l’obésité. Par conséquent, des situations de désorganisation circadienne comme le jet-lag chronique, le travail posté (horaires tournants) peuvent avoir des effets délétères sur notre métabolisme », conclut le chercheur. Pour être en bonne santé, il faut être à l’écoute de notre horloge interne et fuire les nuisances environnementales !

Anne-Isabelle Bischoff

^{(1) Delezie et al. FASEB Journal doi:10.1096/fj.12-208751 The nuclear receptor REV-ERBα is required for the daily balance of carbohydrate and lipid metabolism.
(2) Équipe Genèse et synchronisation des signaux circadiens et saisonniers au sein du département Neurobiologie des rythmes.
(3) Collaboration avec l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (CNRS, Université de Strasbourg), l’Unité physiologie de la reproduction et des comportements (Inra, CNRS, Université François Rabelais), et l’Institut de biologie Valrose (CNRS, Université de Nice).
(4) Plateforme d’expérimentation animale spécialisée dans l’analyse des rythmes biologiques (UMS 3415, Unistra/CNRS), appartenant au réseau Celphedia, première Très grande infrastructure de recherche (TGIR) en sciences biologiques.}